Plus de 100 ans après qu’un couple de physiciens imaginatifs ait proposé une nouvelle phase des cristaux liquides, les scientifiques de l’université du Colorado Boulder ont réussi à le produire et ont été « stupéfaits » par son comportement.
Cette nouvelle phase « nématique ferroélectrique » s’est avérée très sensible aux champs électriques. En améliorant la compréhension de son comportement unique, l’équipe espère qu’elle pourrait conduire à un « nouvel univers » de matériaux.
Les cristaux liquides datent du début du 19e siècle
Les origines de cette découverte remontent au début du 19e siècle. Lorsque les prix Nobel Peter Debye et Max Born ont commencé à réfléchir à un nouveau type de cristal liquide. Un cristal qui se caractérise par un arrangement soigné de molécules alignées dans la même direction ; plutôt que de pointer aléatoirement vers la gauche ou la droite.
Les chercheurs ont rapidement découvert des cristaux solides qui présentaient ce comportement. Avec des molécules alignées dans des directions uniformes. Et pouvant être retournées lorsqu’elles sont soumises à un champ électrique. Ainsi, ces cristaux solides « ferroélectriques » ont marqué une avancée significative dans les matériaux. Mais une phase de cristaux liquides présentant les mêmes caractéristiques est restée insaisissable ; jusqu’à présent.
Ainsi, la phase nouvellement découverte est une forme de cristal liquide nématique. Elle offre un mélange de caractéristiques semblables à celles des fluides et des solides. Ce qui lui confère des capacités uniques, notamment celle de contrôler la lumière. Ils ont ainsi constitué la base des écrans LCD et ont contribué à l’avènement de l’ère de l’informatique portable.
Des molécules en forme de bâtonnets
Les cristaux liquides nématiques sont constitués de molécules en forme de bâtonnets dont une extrémité porte une charge positive et l’autre une charge négative. Un cristal liquide nématique typique présente un assortiment aléatoire dans lequel la moitié de ces molécules pointe vers la gauche et l’autre moitié vers la droite. L’idée d’une phase liquide nématique ferroélectrique verrait des plaques de ces molécules pointer dans la même direction ; un concept appelé « ordre polaire ».
Les scientifiques du Centre de recherche sur les matériaux mous de l’Université du Colorado à Boulder expérimentaient une molécule organique appelée RM734 ; dont on avait montré qu’elle présentait une phase liquide nématique classique à haute température et une autre phase inhabituelle à des températures plus basses.
En jouant avec cette molécule sous le microscope, l’équipe a remarqué que lorsqu’elle était soumise à un faible champ électrique. Un mélange de couleurs frappantes commençait à apparaître aux franges de la cellule contenant le cristal liquide. Des recherches plus poussées ont révélé que cette phase du RM734 était de 100 à 1 000 fois plus sensible aux champs électriques que les cristaux liquides nématiques typiques. Et que des plaques de molécules alignées se formaient spontanément lorsqu’il était refroidi à partir de températures plus élevées.
« Cela a confirmé que cette phase était, en effet, un fluide nématique ferroélectrique », déclare Noel Clark, professeur de physique et chef de l’équipe de recherche.
Les cristaux liquides ont stupéfaits les scientifiques
Une inspection plus approfondie de ces molécules a laissé les scientifiques « stupéfaits » de la netteté de leur alignement. Presque toutes pointant dans la même direction. Selon le co-auteur Matt Glaser, la phase nématique ferroélectrique des cristaux liquides « ouvre une porte vers un nouvel univers de matériaux ». Cela pourrait se retrouver dans de nouveaux types d’écrans ou de composants informatiques.
« Il existe 40 000 documents de recherche sur la nématique, et dans presque chacun d’entre eux, vous voyez de nouvelles possibilités intéressantes si la nématique avait été ferroélectrique », dit Clark.
A partir de là, l’équipe continue d’étudier la RM734 par le biais de simulations informatiques afin de mieux comprendre comment elle forme cette nouvelle phase.